Vous allez arriver dans quelques instants à cette gare
transparente à laquelle il est si beau d’arriver à l’aube comme le permet ce
train dans d’autres saisons.
Il fera encore nuit
noire et au travers des immenses vitres vous apercevez les lumières des
réverbères et les étincelles bleues des trams.
Vous ne descendez
pas à l’Albergo Quirinale, mais vous irez jusqu'au bar où vous demanderez un caffè
latte, lisant le journal que vous viendrez d’acheter tandis que la lumière
apparaitra, augmentera, s’enrichira, s’échauffera peu à peu.
Vous aurez votre
valise à la main lorsque vous quitterez la gare à l’aurore (le ciel est
parfaitement pur, la lune a disparu, il va faire une nouvelle journée
d’automne), la ville paraissait dans toute sa rougeur profonde, et comme vous
ne pourrez vous rendre ni via Monte delle Farina, ni à l’Albergo Quirinale,
vous arrêterez un taxi et vous lui demanderez de vous menez à l’hôtel Croce di
Malta, via Borgognone, près de la place d’Espagne.
Vous n’irez point
l’attendre à la sortie du palais Farnèse ; vous déjeunerez seul ;
tout au long de ces quelques jours, vous prendrez tous vos repas seul.
Evitant de passer
dans un quartier, vous vous promènerez tout seul et le soir vous rentrez seul
dans votre hôtel où vous vous endormirez seul.
Alors dans cette
chambre, seul, vous commencerez à écrire un livre, pour combler le vide de ces
jours à Rome sans Cécile, dans l’interdiction de l’approcher.
Puis lundi soir, à
l’heure même que vous aviez prévue, pour le train même que vous aviez prévu,
vous retournerez vers la gare,
Sans l’avoir vue.
Michel Butor, La
Modification
Ecrire et mettre des mots pour combler les vides de la vie
RépondreSupprimerL'écriture seule ne suffit pas pour combler les vides de la vie...
RépondreSupprimer