* J’étais la fête, j’étais la
joie, j’étais l’extase dans son ivresse absolue ; je me sentais mourir et
renaître en même temps. (Chap.10)
* Les rayons du soleil
tombaient droit, pareils à une coulée de plomb. Dans le ciel lustral, des
mouettes voltigeaient, ivres d’espaces et de liberté. De temps à autre elle
piquait sur les flots, se pourchassaient en rase-mottes puis remontaient en flèches se confondre dans
la toile azurée. Très loin un chalutier regagnait son port, une nuée d’oiseaux
dans son sillage ; la pêche était bonne.
C’était une belle journée.
Une dame solitaire contemplait
l’horizon, assise sous un parasol. Elle portait un vaste chapeau enrubanné de rouge et des lunettes
de soleil. Son maillot blanc collait à son corps bronzé comme une seconde peau…
(Chap.10)
* Je l’avais revue quelques
jours plus tard, sur l’avenue principale de Rio. Elle sortait d’une boutique,
son chapeau blanc telle une couronne sur son beau visage. (Chap.10)
* Une petite mèche frétilla sur son
front ; elle la releva d’une main élégante, comme si elle soulevait une
tenture sur sa propre splendeur. (chap.13)
* Elle portait un tailleur
gris qui l’enserrait telle une camisole, comme pour interdire à son corps
euphorique de se jeter nu dans la rue, et un chapeau garni de bleuets qu’elle
tenait imperceptiblement incliné sur son regard orageux. (Chap.13)
* Sa voix avait la douceur
d’une source de montagne. Elle avait prononcé « monsieur
Jonas » exactement de la même manière que sa mère, en appuyant sur
les « s », produisant le même effet sur moi, remuant les mêmes
fibres… (Chap.13)
* Un éclair illumina les
ténèbres. La pluie tombait doucement. Les carreaux étaient en larmes. Je
n’avais pas l’habitude de voir pleurer les vitres. C’était un mauvais signe, le
pire de tous. Je m’étais alors dit : Attention, Younes, tu es en train de
t’attendrir sur ton sort. Et puis après ? N’était-ce pas exactement ce je
voyais : les vitres pleurer ? Je voulais voir les larmes sur les
carreaux, m’attendrir sur mon sort, me faire violence, me confondre corps et
âme avec ma peine. (Chap.15)
* J’étais l’amour et la haine
ficelés dans un même ballot, captifs d’une même camisole. (Chap.17)
* Maintenant qu’elle se
tenait à un mètre de moi, je remarquai qu’elle avait changé, que sa beauté
d’autrefois s’était rétractée, qu’elle n’était que l’ombre d’une époque, une
veuve inconsolable qui avait décidé de
se laisser aller, la vie lui avait pris ce qu’elle ne saurait lui rendre. Tout
de suite je pris conscience de mon erreur. Je n’étais pas le bienvenu. Je
n’étais qu’un couteau dans la plaie. (Chap.17)
* J’étais amer comme une
racine de Laurier-rose, renfrogné et furieux contre quelque chose que je ne
tenais pas à définir. (Chap.17)
* Son visage était un morceau
d’airain, un miroir aveugle. Je n’arrivais pas à croire qu’elle puisse
m’accueillir avec une telle insensibilité. […] J’étais resté planté sur le
trottoir, interdit de la tête aux pieds, et l’avais regardé sortir de ma vie
comme une âme jumelle trop à l’étroit dans mon corps pour s’en accommoder. (AIX-EN
–PROVENCE)
* A quatre-vingts ans, notre
avenir est derrière. Devant, il n’y a que le passé. […] Je n’arrive pas à fermer l’œil. Essaye de ne
penser à rien. Etreins les oreillers, me couche sur le flanc droit, sur le flan
gauche, sur le dos. Je suis malheureux. (…) Je suis aux portes de la mémoire,
ces infinies bobines de rushes qui nous archivent, ces grands tiroirs obscurs
où sont stockés les héros ordinaires que nous avons été. Je ferme les yeux pour
mettre fin à quelque chose, arrêter une histoire mille fois convoquée et mille
fois falsifiée… Nos paupières nous deviennent des portes dérobées, closes,
elles nous racontent ; ouvertes, elles donnent sur nous-mêmes. Nous sommes
les otages de nos souvenirs. (AIX-EN –PROVENCE)
* Je ne suis qu’un regard qui
court, court, court à travers les blancs de l’absence et la nudité des silences…
(AIX- EN- PROVENCE)
* C’est comme si d’un coup,
toutes les étoiles du ciel n’es faisaient qu’une, comme si la nuit, toute la
nuit, venait d’entrer dans ma chambre pour veiller sur moi. Je sais que,
désormais, là où j’irai, je dormirai en paix. (AIX- EN- PROVENCE)
Yasmina
Khadra, Ce que le jour doit à la nuit
Un livre extraordinaire que j'ai lu plusieurs fois avec autant de plaisir!
RépondreSupprimerEn effet avec autant de plaisir !!!
RépondreSupprimerEt à chaque lecture une découverte ...
Merci pour ce partage
RépondreSupprimerBonne journée
Avec plaisir Claudine !
RépondreSupprimerBonne lecture !