C’était une de ces soirées d’été où l’air manque dans Paris.
La ville, chaude comme une étuve, paraissait suer dans la nuit étouffante. Les
égouts soufflaient par leurs bouches de granit leurs haleines empestées, et les
cuisines souterraines jetaient à la rue, par leurs fenêtres basses, les miasmes
infâmes des eaux de vaisselle et des vieilles sauces.
Les concierges, en manches de chemise, à cheval sur des chaises en paille, fumaient la pipe sous des portes cochères, et les passants allaient d’un pas accablé, le front nu, le chapeau à la main.
Les concierges, en manches de chemise, à cheval sur des chaises en paille, fumaient la pipe sous des portes cochères, et les passants allaient d’un pas accablé, le front nu, le chapeau à la main.
Quand Georges Duroy
parvint au boulevard, il s’arrêta encore, indécis sur ce qu’il allait faire. Il
avait envie maintenant de gagner les Champs-Élysées et l’avenue du bois de
Boulogne pour trouver un peu d’air frais sous les arbres ; mais un désir aussi
le travaillait, celui d’une rencontre amoureuse.
Comment se présenterait-elle ? Il n’en savait rien, mais il
l’attendait depuis trois mois, tous les jours, tous les soirs. Quelquefois
cependant, grâce à sa belle mine et à sa tournure galante, il volait, par-ci,
par-là, un peu d’amour, mais il espérait toujours plus et mieux. […]
Il aimait cependant les lieux où grouillent les filles
publiques, leurs bals, leurs cafés, leurs rues ; il aimait les coudoyer, leur
parler, les tutoyer, flairer leurs parfums violents, se sentir près d’elles.
C’étaient des femmes enfin, des femmes d’amour. Il ne les méprisait point du
mépris inné des hommes de famille.
Il tourna vers la
Madeleine et suivit le flot de foule qui coulait accablé par la chaleur. Les
grands cafés, pleins de monde, débordaient sur le trottoir, étalant leur public
de buveurs sous la lumière éclatante et crue de leur devanture illuminée.
Devant eux, sur de petites tables carrées ou rondes, les verres contenaient des
liquides rouges, jaunes, verts, bruns, de toutes les nuances ; et dans
l’intérieur des carafes on voyait briller les gros cylindres transparents de
glace qui refroidissaient la belle eau claire.
Duroy avait ralenti sa marche, et l’envie de boire lui séchait la gorge.
Une soif chaude, une soif de soir d’été le tenait, et il pensait à la sensation délicieuse des boissons froides coulant dans la bouche.
Duroy avait ralenti sa marche, et l’envie de boire lui séchait la gorge.
Une soif chaude, une soif de soir d’été le tenait, et il pensait à la sensation délicieuse des boissons froides coulant dans la bouche.
Guy de
Maupassant : Bel ami
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