Dans le salon jaune que les kalfas ont orné
de bouquets d’hibiscus et de daturas, la famille est réunie pour fêter les
vingt ans de Selma. Sur la table de bois doré on a disposé les cadeaux
soigneusement enveloppés de papier glacé. […]
Nervin a allumé les
vingt bougies du gros gâteau au chocolat. Elle s’est levée l’aube pour la
confectionner, elle sait que sa princesse est gourmande : pour son
anniversaire, elle n’allait pas lui offrir un gâteau de la veille !
Rêveuse, Selma contemple les flammes qui
dansent, et peu à peu elle les voit se transformer, grandir, se
multiplier ; ce sont maintenant des centaines de flammes qui scintillent
sur les lustres de cristal de palais d’Ortakoy. Pour les anniversaires de son
enfance, on les allumait tous, en son honneur. Chaque détail lui revient de ces
fêtes somptueuses : l’orchestre féminin qui la réveillait en musique et,
tandis que les esclaves la faisait belle, continuait à jouer les airs quelle
aimait ; les douze petites kalfas qui venaient la chercher, vêtues de
robes neuves offertes par la sultane, et l’escortaient jusqu'au salon des
Glaces où son père l’attendait et sa mère ainsi que tout le personnel du
haremlik. A l’entrée de Selma, l’orchestre entamait l’air de l’anniversaire-
Chaque année on en composait un nouveau- et les kalfas lançaient au-dessus
d’elle une pluie de minuscules fleurs de jasmin qui parfumaient toute la pièce.
Alors commençait la distribution des cadeaux, les cadeaux que Selma
avait choisis avec la sultane pour chacune des esclaves et des dames du palais.
Car, en Orient, on sait qu’il y a encore plus de bonheur à donner qu’à
recevoir, et qu’un anniversaire doit être un jour de fête pour tous ceux vous
entourent. Enfin, lorsqu’au milieu des exclamations de joie, la distribution
était terminée, deux esclaves faisaient cérémonieusement glisser la tenture de
soie qui dissimulait une montagne de paquets de formes et de couleurs variées.
Il fallait bien à Selma deux ou trois heures pour tout ouvrir, tout
regarder. Il y avait là les petits présents offerts par les kalfas, les
suivantes et même les jeunes esclaves, il y avait « les paquets- farces »
de Hairi, et les magnifiques cadeaux de la sultanes et de Raouf Bey. Selma se
souvient tout particulièrement de son treizième anniversaire, le dernier… Son
père avait fait venir de Paris, de chez le grand bijoutier Cartier, une
pendulette si extraordinaire que la fillette n’avait d’abord pas compris de
quoi il s’agissait. Le cadran était en cristal entouré de perles et de diamants ;
de diamants aussi étaient les aiguilles ; et le balancier d’or, suspendu
entre deux colonnettes de quartz rose, se reflétait dans un socle de cristal de
roche.
Kenizé Mourad, De la part de la
princesse morte (p 230, 231)
RépondreSupprimerC'est avec plaisir que je me replonge dans ce livre que j'aime beaucoup...lu pourtant il y a plusieurs année!
A retenir:
Car, en Orient, on sait qu’il y a encore plus de bonheur à donner qu’à recevoir, et qu’un anniversaire doit être un jour de fête pour tous ceux vous entourent.
En effet Marie, cette oeuvre retient toujours et quel plaisir lorsqu'on relit des passages déjà lu c'est comme une sorte de redécouverte...
RépondreSupprimerMoi aussi j'ai beaucoup aimé cette conception de l'anniversaire en Orient, ce plaisir de donner plus qu'à recevoir !