Au pied du mamelon, la rivière éventre le sol, les galets pareils à des
entrailles fossilisées. Les femmes de naguère y venaient par essaims, laver
leur linge. L’eau cascadait de la montagne et déambulait loin de dans la
plaine. Les roseaux se coudoyaient fermes sur les bergers pour impressionner
les lauriers-roses. Par endroits, le lit était profond. On y barbotait tout son
soûl, dans une aquarelle de vociférations et d’éclaboussures étincelantes. Des
fois, on faisait semblant de se noyer pour voir nos chiots geindre et
tergiverser sur le talus avant de nous rejoindre dans d’héroïques plongeons. Je
nageais rarement, moi. Je préférais me dissimuler dans les roseaux et je
passais des heures à observer Lounja. Elle avait l’eau jusqu’aux genoux, les
cheveux tel une coulée d’or sur le dos et, collée à sa peau, sa robe mouillée
dévoilait ses seins naissants, beaux comme deux soleils frisés.
Yasmina Khadra : L’automne des
chimères
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