mardi 28 mai 2013

Je passais des heures à observer Lounja



   Au pied du mamelon, la rivière éventre le sol, les galets pareils à des entrailles fossilisées. Les femmes de naguère y venaient par essaims, laver leur linge. L’eau cascadait de la montagne et déambulait loin de dans la plaine. Les roseaux se coudoyaient fermes sur les bergers pour impressionner les lauriers-roses. Par endroits, le lit était profond. On y barbotait tout son soûl, dans une aquarelle de vociférations et d’éclaboussures étincelantes. Des fois, on faisait semblant de se noyer pour voir nos chiots geindre et tergiverser sur le talus avant de nous rejoindre dans d’héroïques plongeons. Je nageais rarement, moi. Je préférais me dissimuler dans les roseaux et je passais des heures à observer Lounja. Elle avait l’eau jusqu’aux genoux, les cheveux tel une coulée d’or sur le dos et, collée à sa peau, sa robe mouillée dévoilait ses seins naissants, beaux comme deux soleils frisés.

      Yasmina Khadra : L’automne des chimères

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