Ce parfum avait de la fraicheur ; mais pas la fraîcheur des limettes ou
des oranges, pas la fraîcheur de la myrrhe ou de la feuille de cannelle ou de
la menthe crépue ou des bouleaux ou du camphre ou des aiguilles de pin, ni
celle d’une pluie de mai, d’un vent de gel ou d’une eau de source… et il avait
en même temps de la chaleur ; mais pas comme la bergamote, le cyprès ou le
musc, pas comme le jasmin ou le narcisse, pas comme le bois de rose et pas
comme l’iris…Ce parfum était un mélange des deux, de ce qui passe et de ce qui
pèse ; pas un mélange, une unité, et avec ça, modeste et faible, et pourtant
robuste et serré comme un morceau de fine soie chatoyante… et pourtant pas
comme de la soie, plutôt comme du lait au miel où fond un biscuit – ce qui pour
le coup n’allait pas du tout : du lait et de la soie ! Incompréhensible, ce
parfum, indescriptible, impossible à classer d’aucune manière, de fait, il n’aurait
pas dû exister. Et cependant, il était là, avec un naturel parfait et
splendide.
Patrick Suskind, Le Parfum
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire