jeudi 10 juillet 2014

Le parfum



   Ce parfum avait de la fraicheur ; mais pas la fraîcheur des limettes ou des oranges, pas la fraîcheur de la myrrhe ou de la feuille de cannelle ou de la menthe crépue ou des bouleaux ou du camphre ou des aiguilles de pin, ni celle d’une pluie de mai, d’un vent de gel ou d’une eau de source… et il avait en même temps de la chaleur ; mais pas comme la bergamote, le cyprès ou le musc, pas comme le jasmin ou le narcisse, pas comme le bois de rose et pas comme l’iris…Ce parfum était un mélange des deux, de ce qui passe et de ce qui pèse ; pas un mélange, une unité, et avec ça, modeste et faible, et pourtant robuste et serré comme un morceau de fine soie chatoyante… et pourtant pas comme de la soie, plutôt comme du lait au miel où fond un biscuit – ce qui pour le coup n’allait pas du tout : du lait et de la soie ! Incompréhensible, ce parfum, indescriptible, impossible à  classer d’aucune manière, de fait, il n’aurait pas dû exister. Et cependant, il était là, avec un naturel parfait et splendide.

                              Patrick Suskind, Le Parfum


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