dimanche 31 mars 2013
samedi 30 mars 2013
C’est l’histoire d’une amitié à l’état brut
Il est des histoires d’hommes qui
rejoignent la légende dans ce qu’elle a d’essentiel. La nôtre est essentielle
parce qu’elle est simple. C’est l’histoire d’une amitié à l’état brut, qui s’implique
autant que la complicité, aussi têtue que l’amour ; un tissu de tendresse
enroulé autour d’une hampe de solidarité et qui, lors des bourrasques se
déploie automatiquement dans le ciel et claque de tous ses pans, tel un étendard
sacré. Je vous jure que l’on triomphe des pires mauvaises passes rien qu’à l’entendre
ralinguer par- dessus nos têtes.
Lorsque, dans le silence sournois de la nuit, je me surprends à dresser
l’inventaire de ma chienne de vie et que nulle part je ne tombe sur un bout de
satisfaction ; lorsque je me suis amenée à reconnaître l’ampleur de mes
torts et de mes bévues – moi qui excellais dans l’art des complications -, j’ai
alors l’excuse de cette amitié qui me sauve la mise car il n’y a pas plus
lamentable guigne, plus sauvage gâchis, plus pitoyable infortune que de se
faire un maximum d’ennemis et pas un seul ami.
Yasmina Khadra : L'automne des chimères
Roy Tabora
Roy Tabora, né le 18 Juin 1956, dans une famille de peintres, a
grandi dans un monde où l'art était une façon de vivre. Sous l'œil
vigilant d'un oncle affectueux, sa main a été habilement formée à reproduire ce
que son cœur a vu. Ces débuts en tant que stagiaire dans les ateliers de
son oncle et les années de formation et de discipline qu’il avait reçu, avait produit en lui un
peintre réaliste très accompli. Sa quête de l'excellence s'est poursuivie
avec une éducation formelle en beaux-arts de l'Université de Hawaii. Aujourd'hui,
il est reconnu comme l'un des peintres du monde et du paysage marins.
Les grottes d'El Haouaria !
Les grottes d’El Haouaria se situent à l’extrême nord de
la péninsule du Cap Bon, à 2 km du village d’El Haouaria, en bord de mer,
dans un cadre quasi stérile mais magnifique, les carrières antiques d’El
Haouaria furent exploitées des siècles durant tantôt d’une manière souterraine,
tantôt à ciel ouvert par les Carthaginois et les Romains.
Le site, connu également sous l’appellation arabe de Ghar el
Kebir ( grande caverne).
Ce sont des carrières de pierre gréseuse exploitée dès
l’époque punique aux VIIe et VIe siècles avant J.C., Cette pierre
entrait, dans l’Antiquité, dans la construction des villes du littoral et de
leurs principaux monuments, en particulier, la capitale : Carthage.
Le monument se présente sous forme d’une
succession de « salles », en fait des excavations «évidées» par une étroite
ouverture qui s’enfonce dans les profondeurs du gisement, en dégageant un
espace de forme pyramidale.
En surface, au sommet du promontoire qui s’avance vers la
mer, à côté des ouvertures qui donnent accès au gisement, il existe également
des traces d’exploitation aérienne du site.
L’exploitation des grottes d’El Haouaria a débuté au VII ème siècle avant J.Ch. La pierre de gré a longtemps servi à la
construction des monuments de Carthage la punique ensuite la romaine. Le mode d’exploitation
de cette carrière était assez original et rare. La technique consistait à extraire
la pierre de l’intérieur de la masse pour la faire parvenir en surface par le
biais de puits de montée carrés.
Sources : www.tunisientunisie.com et www.nabeul.inf
mercredi 27 mars 2013
Pourquoi te déguises-tu ?
Pourquoi te déguises-tu
En vent, en pierre, en oiseau ?
Pourquoi me souris-tu du ciel
Comme un éclair inattendu ?
Cesse de me tourmenter : Ne me touche pas !
Laisse-moi à la gravité de mes soucis…
Un feu ivre passe en vacillant
Sur les marias gris desséchés.
La Muse, dans sa robe trouée
Chante d’une voix traînante, monotone.
Sa force miraculeuse
Est dans son angoisse cruelle et jeune.
Anna Akhmatova
mardi 26 mars 2013
El Haouaria
El Haouaria ou Aquiaria, " pays de l'aigle"
Les grottes d’El Haouaria se
situent à l’extrême nord de la péninsule du Cap Bon, à 2 km du village
d’El Haouaria, en bord de mer, dans un cadre quasi stérile mais
magnifique, les carrières antiques d’El Haouaria furent exploitées des siècles
durant tantôt d’une manière souterraine, tantôt à ciel ouvert par les
Carthaginois et les Romains.
Le site, connu également sous
l’appellation arabe de Ghar el Kebir ( grande caverne).
Ce sont des carrières de pierre
gréseuse exploitée dès l’époque punique aux VIIe et VIe siècles avant
J.C., Cette pierre entrait, dans l’Antiquité, dans la construction des villes
du littoral et de leurs principaux monuments, en particulier, la capitale : Carthage.
Le monument se
présente sous forme d’une succession de « salles », en fait des excavations
«évidées» par une étroite ouverture qui s’enfonce dans les profondeurs du
gisement, en dégageant un espace de forme pyramidale.
En surface, au sommet du promontoire
qui s’avance vers la mer, à côté des ouvertures qui donnent accès au gisement,
il existe également des traces d’exploitation aérienne du site.
L’exploitation des grottes d’El
Haouaria a débuté au VII ème siècle avant J.Ch. La pierre de gré a longtemps
servi à la construction des monuments de Carthage la punique ensuite la
romaine. Le mode d’exploitation de cette carrière était assez original et rare.
La technique consistait à extraire la pierre de l’intérieur de la masse pour la
faire parvenir en surface par le biais de puits de montée carrés.
Sources : www.tunisientunisie.com et www.nabeul.inf
samedi 23 mars 2013
Kerkouane
Kerkouane est l’une
des plus belle cité punique du Cap Bon.
Située à mi-chemin entre Kelibia et El Haouaria, en bordure de mer, Kerkouane est une cité punique authentique, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Kerkouane ne possède aucune trace d’une présence romaine comme ce fut le cas des autres cités tels que Carthage ou Utique.
C'est une ville fortifiée, à double
muraille, peuplée par 2000 habitants environ. Son plan d’urbanisme est très
élaboré. Ses rues sont droites et se croisent perpendiculairement. Elle possède
un système hydraulique et des canalisations pour drainer les eaux usées. A
l’entrée des demeures se trouve, dessiné au sol le symbole de la civilisation
punique, représentant la déesse Tanit . Chaque maison dispose d’une salle de
bain-sabot et d’un évier. Les sols sont couverts de mosaïques.
jeudi 21 mars 2013
Je savais que j’étais né poète comme l’oiseau naît musicien
Le blé atteignait mes épaules, pourtant j’avais faim tous les jours et
j’avais faim toutes les nuits. Je ne comprenais déjà pas, mais je
m’en moquais : j’avais la chance d’être un enfant.
Lorsque le vol d’une libellule me faisait pousser des ailes et que mes
éclats de rire s’égouttaient dans le clapotis des fontaines, lorsque je courais
comme un fou parmi les fougères, quand bien même chaque foulée frondait mes
pas, je savais que j’étais né poète comme l’oiseau naît musicien, et à l’instar
de l’oiseau, il me manquait juste les mots pour le dire.
Aujourd’hui encore, je
ne comprends pas. Je marche à tâtons en pleine lumière. Mes lauriers
d’affranchi ne me sont qu’œillères. Mon regard de prophète ne retrouve plus de
repères. Peu fier de l’adulte que je suis devenu, je guette ma vieillesse
comme l’autre l’huissier puisque toute chose en ce monde ne me fait plus rêver.
Yasmina Khadra : L’automne des chimères
mardi 19 mars 2013
vendredi 15 mars 2013
Les fenêtres ouvraient sur un petit jardin
Il faisait extrêmement chaud
dehors ; après le déjeuner Sanine voulut se retirer, mais ses hôtes
lui dirent que par une pareille chaleur il valait beaucoup mieux ne pas bouger
de sa place ; et il resta.
Dans l’arrière-salon où il se tenait avec la famille Roselli, régnait
une agréable fraîcheur: les fenêtres ouvraient sur un petit jardin planté
d’acacias. Des essaims d’abeilles, des taons et des bourdons chantaient en
chœur avec ivresse dans les branches touffues des arbres parsemées de fleurs
d’or ; à travers les volets à demi clos et les stores baissés, ce
bourdonnement incessant pénétrait dans la chambre donnant l’impression de la
chaleur répandue dans l’air au dehors, et la fraîcheur de la chambre fermée et
confortable paraissait d’autant plus agréable… […]
Bientôt Sanine resta
immobile à son tour, comme hypnotisé, admirant de toutes les forces de son âme
le tableau que formaient cette chambre à demi-obscure où par-ci par-là
rougissaient en points éclatants des roses fraîches et somptueuses qui
trempaient dans des coupes antiques de couleur verte, et cette femme endormie
avec les mains chastement repliées, son bon visage encadré par la blancheur
neigeuse de l’oreiller et enfin ce jeune être tout entier à sa sollicitude,
aussi bon, aussi pur et d’une beauté inénarrable avec des yeux noirs, profonds,
remplis d’ombre, et quand même lumineux…
Sanine se demandait
où il était. Était-ce un rêve ? Un conte ? Comment se trouvait-il
là.[…]
Sanine était un
fort beau garçon, de taille haute et svelte ; il avait des traits
agréables, un peu flous, de petits yeux teintés de bleu exprimant une grande
bonté, des cheveux dorés et une peau blanche et rose. Ce qui le distinguait de
prime abord, c’était cette expression de gaieté sincère, un peu naïve, ce rire
confiant, ouvert, auquel on reconnaissait autrefois à première vue les fils de
la petite noblesse rurale russe. Ces fils de famille étaient d’excellents
jeunes gentilshommes, nés et librement élevés dans les vastes domaines des pays
de demi-steppes.
Sanine avait une démarche
indécise, une voix légèrement sifflante, et dès qu’on le regardait il répondait
par un sourire d’enfant. Enfin il avait la fraîcheur et la santé ; mais le
trait caractéristique de sa physionomie était la douceur, par dessus toute la
douceur !
Il ne manquait pas
d’intelligence et avait appris pas mal de choses. Malgré son voyage à l’étranger, il avait conservé toute sa fraîcheur d’esprit et les sentiments qui
à cette époque troublaient l’élite de la jeunesse russe, lui étaient totalement
inconnus.
Ivan Sergueïevitch Tourgueniev: Eaux
printanières
Mais l’image de Gemma protégeait Sanine
Marie Nicolaevna, née Kolychkine,
était une femme qu’on ne pouvait s’empêcher de remarquer. Ce n’est pas qu’elle
fût une beauté incontestée : on distinguait nettement en elle les traces
de son origine plébéienne. Le front était bas, le nez un peu charnu et
légèrement retroussé : elle ne pouvait pas se glorifier non plus de la
finesse de sa peau, ni de l’élégance de ses mains et de ses pieds… mais que
signifiaient ces détails ?
Celui qui la voyait ne restait
pas en contemplation devant une « beauté sacrée » comme disait le
poète Pouchkine, mais devant le prestige d’un vigoureux et florissant corps de
femme, russe et tzigane… et il n’y avait pas moyen de ne pas tomber en arrêt
devant elle.
Mais l’image de Gemma protégeait
Sanine, comme le triple bouclier que chante le poète.
Dix minutes plus tard Maria
Nicolaevna apparut de nouveau avec son mari.
Elle s’approcha de Sanine… et sa
démarche était si séduisante, que certains originaux… hélas ! Que ces
temps sont loin, – devenaient follement épris de Maria Nicolaevna rien que pour
sa démarche.
« Lorsque cette femme marche
à ta rencontre, on dirait que le bonheur de ta vie entre par la même
porte ! » disait un de ses adorateurs.
Elle tendit la main à Sanine et
lui dit de sa voix caressante et contenue :
– Vous ne vous retirerez pas
avant mon retour n’est-ce pas ? Je rentrerai de bonne heure…
Sanine s’inclina
respectueusement, tandis que Maria Nicolaevna disparaissait derrière la
portière ; sur le seuil elle tourna la tête en arrière et sourit, et de
nouveau Sanine ressentit la même impression harmonieuse qu’il avait éprouvée un
moment auparavant.
Lorsque Maria Nicolaevna souriait,
on voyait se creuser sur chacune de ses joues non pas une, mais trois petites
fossettes – et ses yeux souriaient plus encore que ses lèvres, longues,
empourprées et rayonnantes avec deux minuscules grains de beauté à gauche.
Ivan Sergueivitch
Tourgueniev: Eaux printanières
mercredi 13 mars 2013
Ma princesse, le jour de tes dix huit ans !
Ma princesse, le jour de tes dix huit ans !
Voici mon bouquet de mots
Cueillis du fond de mon âme et de mon coeur.
Des mots simples et pleins d’Amour
Pour une si belle princesse !
Dix huit ans ont passé
Et te voilà enfin au seuil
De ta vie de jeune adulte.
Les chemins s’ouvrent devant toi
Suis-les…
Les voies du bonheur t’appellent
Ecoute-les…
Que ta vie soit parfumée
D’Amour, de Sérénité et d’Extase !
Que tes ambitions soient réalisées !
Ma fille, n’oublie pas tes origines !
N’oublie pas les valeurs que je t’ai apprises !
Reste modeste,
Aies toujours confiance
en toi !
Sois aimable avec tout le monde !
Aime la vie, même si elle est parfois dure.
Sois responsable de tes actes
Assume tes décisions !
N’aies pas peur d'échouer
Sois patiente sans être trop exigeante !
Sois généreuse,
Sème le bonheur, l’amour, le rire et la joie !
N’attends rien des autres
Dieu seul te récompensera…
Ma chère Princesse,
J’ai été, je suis et je serai toujours à tes côtés
Pour te protéger, te soutenir et te conseiller.
Je suis ta Maman, ton amie et ta confidente
Je partage avec toi tes joies et tes pleurs.
Je vis pour toi,
Mon cœur ne bat qu’au rythme du tien.
Mon cœur ne bat qu’au rythme du tien.
Ma princesse,
Je suis fière de toi et fière de moi !
Je prie Dieu pour que l’homme
Que la destiné t’a choisi
Soit digne de toi, te mérite et connaisse ta valeur.
Tu es la couronne de ma vie
Et L’ornement de mes espoirs…
Tu es ma vie !
Ta MAMAN Majdouline
mardi 12 mars 2013
Je garde toujours ma porte ouverte...
Qu’il pleuve ou qu’il
neige
Je garde toujours ma porte ouverte.
Que ma journée soit belle, que mes moments soient durs
Je garde toujours ma porte ouverte.
Je pose mon regard sur une branche fleurie
J’écris les mots de mes maux sur les murs garnis.
Et Je garde toujours ma porte ouverte.
Que j’entre ou que je sorte
La belle nature m’appelle,
Et aux fleurs de toutes sortes,
Je suis là, je réponds à tous vos appels.
Je garde toujours ma porte ouverte
A l’Amour, au Bonheur et à l’Espoir.
Majdouline Borchani
lundi 11 mars 2013
dimanche 10 mars 2013
samedi 9 mars 2013
Dans le triomphe de sa beauté
Le jour de la fête arriva. Mme
Loisel eut un succès. Elle était plus jolie que toutes, élégante, gracieuse,
souriante et folle de joie. Tous les hommes la regardaient, demandaient son
nom, cherchaient à être présentés. Tous les attachés du cabinet voulaient
valser avec elle. Le Ministre la remarqua.
Elle dansait avec ivresse, avec emportement, grisée par le plaisir, ne pensant plus à rien, dans le triomphe de sa beauté, dans la gloire de son succès, dans une sorte de nuage de bonheur fait de tous ces hommages, de toutes ces admirations, de tous ces désirs éveillés, de cette victoire si complète et si douce au coeur des femmes.
Elle dansait avec ivresse, avec emportement, grisée par le plaisir, ne pensant plus à rien, dans le triomphe de sa beauté, dans la gloire de son succès, dans une sorte de nuage de bonheur fait de tous ces hommages, de toutes ces admirations, de tous ces désirs éveillés, de cette victoire si complète et si douce au coeur des femmes.
Guy de Maupassant : La
parure
vendredi 8 mars 2013
Mademoiselle Godeau
Mademoiselle Godeau n'était pas
tout à fait exempte de la vanité de son père, mais son bon naturel y remédiait.
Elle était, dans la force du terme, ce qu'on nomme un enfant gâté. D'habitude
elle parlait fort peu, et jamais on ne la voyait tenir une aiguille ; elle
passait les journées à sa toilette, et les soirées sur un sofa, n'ayant pas
l'air d'entendre la conversation. Pour ce qui regardait sa parure, elle était
prodigieusement coquette, et son propre visage était à coup sûr ce qu'elle
avait le plus considéré en ce monde. Un pli à sa collerette, une tache d'encre
à son doigt, l'auraient désolée ; aussi, quand sa robe lui plaisait, rien
ne saurait rendre le dernier regard qu'elle jetait sur sa glace avant de
quitter sa chambre. Elle ne montrait ni goût ni aversion pour les plaisirs
qu'aiment ordinairement les jeunes filles ; elle allait volontiers au bal,
et elle y renonçait sans humeur, quelquefois sans motif ; le spectacle
l'ennuyait, et elle s'y endormait continuellement. Quand son père, qui l'adorait,
lui proposait de lui faire quelque cadeau à son choix, elle était une heure à
se décider, ne pouvant se trouver un désir. Quand M. Godeau recevait ou donnait
à dîner, il arrivait que Julie ne paraissait pas au salon : elle passait
la soirée, pendant ce temps-là, seule dans sa chambre, en grande toilette, à se
promener de long en large, son éventail à la main. Si on lui adressait un
compliment, elle détournait la tête, et si on tentait de lui faire la cour,
elle ne répondait que par un regard à la fois si brillant et si sérieux,
qu'elle déconcertait le plus hardi. Jamais un bon mot ne l'avait fait
rire ; jamais un air d'opéra, une tirade de tragédie, ne l'avaient
émue ; jamais, enfin, son cœur n'avait donné signe de vie, et, en la
voyant passer dans tout l'éclat de sa nonchalante beauté, on aurait pu la
prendre pour une belle somnambule qui traversait ce monde en rêvant.
Tant d'indifférence et de coquetterie ne semblait pas aisé à comprendre. Les uns disaient qu'elle n'aimait rien ; les autres, qu'elle n'aimait qu'elle-même. Un seul mot suffisait cependant pour expliquer son caractère : elle attendait. Depuis l'âge de quatorze ans, elle avait entendu répéter sans cesse que rien n'était aussi charmant qu'elle ; elle en était persuadée ; c'est pourquoi elle prenait grand soin de sa parure : en manquant de respect à sa personne, elle aurait cru commettre un sacrilège. Elle marchait, pour ainsi dire, dans sa beauté, comme un enfant dans ses habits de fête ; mais elle était bien loin de croire que cette beauté dût rester inutile ; sous son apparente insouciance se cachait une volonté secrète, inflexible, et d'autant plus forte qu'elle était mieux dissimulée. La coquetterie des femmes ordinaires, qui se dépense en œillades, en minauderies et en sourires, lui semblait une escarmouche puérile, vaine, presque méprisable. Elle se sentait en possession d'un trésor, et elle dédaignait de le hasarder au jeu pièce à pièce : il lui fallait un adversaire digne d'elle ; mais, trop habituée à voir ses désirs prévenus, elle ne cherchait pas cet adversaire ; on peut même dire davantage, elle était étonnée qu'il se fit attendre.
Tant d'indifférence et de coquetterie ne semblait pas aisé à comprendre. Les uns disaient qu'elle n'aimait rien ; les autres, qu'elle n'aimait qu'elle-même. Un seul mot suffisait cependant pour expliquer son caractère : elle attendait. Depuis l'âge de quatorze ans, elle avait entendu répéter sans cesse que rien n'était aussi charmant qu'elle ; elle en était persuadée ; c'est pourquoi elle prenait grand soin de sa parure : en manquant de respect à sa personne, elle aurait cru commettre un sacrilège. Elle marchait, pour ainsi dire, dans sa beauté, comme un enfant dans ses habits de fête ; mais elle était bien loin de croire que cette beauté dût rester inutile ; sous son apparente insouciance se cachait une volonté secrète, inflexible, et d'autant plus forte qu'elle était mieux dissimulée. La coquetterie des femmes ordinaires, qui se dépense en œillades, en minauderies et en sourires, lui semblait une escarmouche puérile, vaine, presque méprisable. Elle se sentait en possession d'un trésor, et elle dédaignait de le hasarder au jeu pièce à pièce : il lui fallait un adversaire digne d'elle ; mais, trop habituée à voir ses désirs prévenus, elle ne cherchait pas cet adversaire ; on peut même dire davantage, elle était étonnée qu'il se fit attendre.
Depuis quatre ou cinq ans qu'elle
allait dans le monde et qu'elle étalait consciencieusement ses paniers, ses
falbalas et ses belles épaules, il lui paraissait inconcevable qu'elle n'eût
point encore inspiré une grande passion. Si elle eût dit le fond de sa pensée,
elle eût volontiers répondu à ceux qui lui faisaient des compliments : «Eh
bien ! s'il est vrai que je sois si belle, que ne vous brûlez-vous la
cervelle pour moi ?» Réponse que, du reste, pourraient faire bien des
jeunes filles, et que plus d'une, qui ne dit rien, a au fond du cœur,
quelquefois sur le bord des lèvres.
Qu'y a-t-il, en effet, au monde, de plus impatientant pour une femme que d'être jeune, belle, riche, de se regarder dans son miroir, de se voir parée, digne en tout point de plaire, toute disposée à se laisser aimer, et de se dire : On m'admire, on me vante, tout le monde me trouve charmante, et personne ne m'aime. Ma robe est de la meilleure faiseuse, mes dentelles sont superbes, ma coiffure est irréprochable, mon visage le plus beau de la terre, ma taille fine, mon pied bien chaussé ; et tout cela ne me sert à rien qu'à aller bâiller dans le coin d'un salon ! Si un jeune homme me parle, il me traite en enfant ; si on me demande en mariage, c'est pour ma dot ; si quelqu'un me serre la main en dansant, c'est un fat de province ; dès que je parais quelque part, j'excite un murmure d'admiration, mais personne ne me dit, à moi seule, un mot qui me fasse battre le cœur. J'entends des impertinents qui me louent tout haut, à deux pas de moi, et pas un regard modeste et sincère ne cherche le mien. Je porte une âme ardente, pleine de vie, et je ne suis, à tout prendre, qu'une jolie poupée qu'on promène, qu'on fait sauter au bal, qu'une gouvernante habille le matin et décoiffe le soir, pour recommencer le lendemain.
Qu'y a-t-il, en effet, au monde, de plus impatientant pour une femme que d'être jeune, belle, riche, de se regarder dans son miroir, de se voir parée, digne en tout point de plaire, toute disposée à se laisser aimer, et de se dire : On m'admire, on me vante, tout le monde me trouve charmante, et personne ne m'aime. Ma robe est de la meilleure faiseuse, mes dentelles sont superbes, ma coiffure est irréprochable, mon visage le plus beau de la terre, ma taille fine, mon pied bien chaussé ; et tout cela ne me sert à rien qu'à aller bâiller dans le coin d'un salon ! Si un jeune homme me parle, il me traite en enfant ; si on me demande en mariage, c'est pour ma dot ; si quelqu'un me serre la main en dansant, c'est un fat de province ; dès que je parais quelque part, j'excite un murmure d'admiration, mais personne ne me dit, à moi seule, un mot qui me fasse battre le cœur. J'entends des impertinents qui me louent tout haut, à deux pas de moi, et pas un regard modeste et sincère ne cherche le mien. Je porte une âme ardente, pleine de vie, et je ne suis, à tout prendre, qu'une jolie poupée qu'on promène, qu'on fait sauter au bal, qu'une gouvernante habille le matin et décoiffe le soir, pour recommencer le lendemain.
Voilà ce que mademoiselle Godeau
s'était dit bien des fois à elle-même, et il y avait de certains jours où cette
pensée lui inspirait un si sombre ennui, qu'elle restait muette et presque
immobile une journée entière.
Alfred de
Musset : Croisilles
Les parfums ont plus d'une ressemblance avec l'amour
Les fleurs qui tombent du sein
d'une jolie femme, en Europe comme en Orient, ne sont jamais muettes ;
quand elles ne raconteraient que ce qu'elles ont vu, lorsqu'elles reposaient
sur une belle gorge, ce serait assez pour un amoureux, et elles le racontent en
effet. Les parfums ont plus d'une ressemblance avec l'amour, et il y a même des
gens qui pensent que l'amour n'est qu'une sorte de parfum ; il est vrai
que la fleur qui l'exhale est la plus belle de la création.
Alfred de Musset :
Croisilles
mercredi 6 mars 2013
La femme trésor
" Une belle femme plaît aux yeux, une bonne femme plaît
au cœur ; l'une est un bijou, l'autre un trésor." (Napoléon Bonaparte)
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