Il est des histoires d’hommes qui
rejoignent la légende dans ce qu’elle a d’essentiel. La nôtre est essentielle
parce qu’elle est simple. C’est l’histoire d’une amitié à l’état brut, qui s’implique
autant que la complicité, aussi têtue que l’amour ; un tissu de tendresse
enroulé autour d’une hampe de solidarité et qui, lors des bourrasques se
déploie automatiquement dans le ciel et claque de tous ses pans, tel un étendard
sacré. Je vous jure que l’on triomphe des pires mauvaises passes rien qu’à l’entendre
ralinguer par- dessus nos têtes.
Lorsque, dans le silence sournois de la nuit, je me surprends à dresser
l’inventaire de ma chienne de vie et que nulle part je ne tombe sur un bout de
satisfaction ; lorsque je me suis amenée à reconnaître l’ampleur de mes
torts et de mes bévues – moi qui excellais dans l’art des complications -, j’ai
alors l’excuse de cette amitié qui me sauve la mise car il n’y a pas plus
lamentable guigne, plus sauvage gâchis, plus pitoyable infortune que de se
faire un maximum d’ennemis et pas un seul ami.
Yasmina Khadra : L'automne des chimères
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