samedi 8 août 2015

Dans la ville d’or et d’argent ( Extrait 1 du chapitre 31 )




   Les troupes du général Campbell investissent méthodiquement la ville de Lucknow. Evitant les rues hérissées de pièges et de barricades, elles progressent de maison en maison, dynamitant les murs pour se frayer un passage et massacrant les habitants qui n’ont pu fuir. […]
   A partir du 9 mars, les bombardements sur Kaisarbagh s’intensifient. A l’artillerie d’Outram, au nord, se joignent désormais les canons de Campbell, au sud. Mais les cipayes ont juré de défendre le siège du pouvoir et de donner leur vie pour le roi et la Rajmata. […]
   Cependant beaucoup pensent que la place de la régente n’est pas à Kaisarbagh, en particulier les quelques ministres encore au palais qui tentent de la convaincre de les accompagner dans une demeure éloignée de la zones des combats. Mais Hazrat Mahal ne veut rien entendre :
   « Partez Saheban, le roi et moi nous restons. Comment pourrions-nous abandonner ces milliers d’hommes qui risquent leur vie pour nous ? »
   Quant à Jai Lal, il ne dit rien. Elle lui en est reconnaissante car elle sent bien à son regard soucieux à quel point il s’inquiète pour elle ; mais il la connait assez pour ne pas intervenir, il comprend qu’elle a besoin d’agir et de se sentir utile. […]
   Pendant deux jours les bombardements ne cesseront pas. Les obus pleuvent de tous côtés. Jai Lal y a échappé de peu, et c’est à grand-peine qu’il a obtenu qu’Hazrat Mahal et le jeune roi restent au sous-sol.
   Mais, à présent, les forces ennemies se rapprochent de Kaisarbagh.
   «  Nous n’allons plus pouvoir tenir longtemps, lui annonce un soir le rajah, le visage défait, vous devez partir sans tarder pour le palais de Moussabagh.
-          Je veux rester à vos côtés !
-          Et mettre en danger le roi ? »
   Elle tressaille.
   « Mais vous… ?
-          Je vous rejoindrai très vite, je vous le promets. »
   Longuement, il l’a serrée dans ses bras.
   «  A bientôt, ma djani ! Allez, je vous en prie, c’est le moment, il commence à faire nuit, on ne doit pas vous voir quitter le palais. Une escorte vous attend, il n’y a pas une minute à perdre. »

   Moussabagh est une vaste résidence princière, située à quatre miles au nord de la ville, où autrefois la cour allait respirer l’air de la campagne. Pour ne pas attirer l’attention, la Rajmata, son fils et Mumtaz sont monté dans un simple doli*, précédé et suivi de soldats en tenus de paysans. Au moment de traverser le pont sur le Gomti, la main d’Hazrat Mahal s’est crispée sur le revolver que Jai Lal lui a donné et qu’elle a dissimulé sous son châle. Elle n’aura pas à s’en servir, ils atteindront le palis sans encombre.
   Le lendemain, Jai Lal et ses quelques trois mille soldats, attaqués de tous côtés, seront contraints de battre en retraite. Deux heures plus tard, Kaisarbagh est investi par les Britanniques.
   Leur prochain objectif est Moussabagh.



             Kenizé Mourad, Dans la ville d’or et d’argent (p 393, 394, 395, 396 )

               
 *Transport populaire, petite carriole tirée par un cheval.



2 commentaires:

  1. En effet Marie, toute l'oeuvre est passionnante ... Comme j'aurais aimé publier dans mon blog plusieurs textes ! Mais comme c'est pénible, j'essaie de choisir quelques extraits.

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