Hazrat Mahal est
désormais prisonnière. Elle ne se fait aucune illusion sur
« l’hospitalité » offerte par le maharadjah. […]
Désormais, les
uniques visites au bungalow sont celles de Jang Bahadour, Hazrat Mahal les
tolère, malgré son mépris pour l’homme, car c’est l’occasion d’avoir des
nouvelles, même s’il prend plaisir à ne lui rapporter que les mauvaises.
Ainsi fin août
apprend-elle que le procès de Jai Lal se poursuit… Depuis plus d’un an ! (…)
Elle ne comprend pas pourquoi les juges prolongent cette mascarade : ils n’ont
aucune intention de gracier l’un des principaux chefs de l’insurrection, mais
le rajah est admiré dans tout le pays, l’exécuter serait vécu par tous comme l’assassinat
d’un héro de l’indépendance. Il faut trouver un moyen de le salir et, jusqu’à
présent, les témoignages obtenus sont trop contradictoires pour être
convaincants.
… Mon djani… pourvu
qu’ils ne t’aient pas torturé…
[…]
Un jour arrive la
nouvelle que Hazrat Mahal redoute depuis longtemps : le rajah Jai Lal
Singh a été exécuté.
[…]
A peine dans sa
chambre, la jeune femme s’est effondrée. Contre toute raison elle avait gardé l’espoir
que Jai Lal ne serait condamné qu’à la captivité, qu’il réussirait à s’enfuir
ou qu’un mouvement populaire lui ouvrait les portes de la prison… Elle n’arrive
pas à croire qu’elle ne le reverra plus. Jang Bahadour lui a peut être menti… Jai
Lal, mon djani… Elle porte la main à sa poitrine, elle suffoque…
[…]
Les hivers népalais
sont rudes et la santé de Hazrat Mahal commence à s’en ressentir. Mais c’est
surtout l’exil qui la mine. En 1863, le gouvernement britannique lui a de
nouveau offert de rentrer aux Indes, à condition que son fils signe sa
renonciation au trône. Une fois de plus, elle ne s’est pas donnée la peine de
répondre.
Birjis Qadar est
devenu un jeune homme réfléchi et déterminé. Il a hérité de la force morale de
sa mère. Il se prépare, sachant qu’un jour il rentrera dans son pays.
Les Indes sont en train de changer. Les
Britanniques ont rétabli leur autorité.
Mais quoi qu’ils
fassent, l’insurrection a semé des graines qu’avant de mourir Hazrat Mahal aura
le bonheur de voir germer.
[…]
De Katmandou, Hazrat
Mahal suit avec attention tous ces événements. Bien qu’isolée et appauvrie,
elle reste une reine infiniment respectée. Malgré ses faibles ressources,
jamais elle ne refuse la charité à qui vient la solliciter.
Le 7 avril 1879,
celle que les Anglais appelaient « l’âme de la révolte » s’éteint,
à l’âge de quarante huit ans, après avoir fait promettre à son fils de
continuer la lutte.
La petite Muhammadi,
la poétesse du Chowq, l’épouse de Wajid Ali Shah, la jeune régente, l’amante
passionnée, la souveraine éclairée, le chef de guerre intrépide enfin, Hazrat
Mahal fut comme une apparition fulgurante dans l’Histoire.
Elle a tracé la voie
de la libération des Indes.
Kenizé
Mourad, Dans la ville d’or et d’argent ( p 471, 482, 483, 484, 485, 486,
487, 488, 489)
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