jeudi 25 juin 2015

Dans la ville d’or et d’argent ( Extrait 2 du chapitre 17 )



   Mon fils, roi ?
   L’ambition caressée en secret depuis onze ans pourrait-elle se réaliser ? Hazrat Mahal frisonne sans bien savoir si c’est d’excitation ou de crainte. […]
   Autour d’elle les femmes discutent. Les arguments de Rajah ont eu raison de leurs hésitations et à présent elles s’emploient à convaincre la jolie Khas Mahal de la chance et de l’honneur qui lui sont dévolus. Car pour elles, il n’y a aucun doute, s’il faut désigner un successeur au malheureux Wajid Ali Shah, ce ne peut être que son fils aîné, même si… Même si Nausherwan Qadar  est un adolescent instable que son propre père avait jugé inapte à régner. Dans les circonstances actuelles il ne sera qu’un symbole, les décisions seront prises par la régente, conseillée par l’assemblée des taluqdars. Pourtant, à leur grande surprise, la mère du prince résiste. Elle, toujours douce au point qu’on l’imaginait passive et malléable, refuse obstinément une responsabilité qu’elle se sent incapable d’assumer. Elle n’est pas une femme de pouvoir, elle n’a jamais vécu que pour l’amour de son mari et de son fils et, alors qu’elle pleure toujours l’époux retenu captif, on lui demanderait de mettre en danger ce qui lui reste de plus précieux, son Nausherwen adoré ? Plus ses compagne insistent, plus elle leur oppose un silence buté.
   Ulcérées, les bégums, changent de tactiques, décident de lui faire honte : ce fils qu’elle dit aimer, est-elle égoïste au point de lui dénier cette chance inespérée d’accéder au trône ? Le risque ? Il est infime. Les temps sont troublés certes, mais ville après ville tout le pays se soulève contre l’occupant. Les Britanniques sont peu nombreux, sans leurs cipayes, ils ne pourront tenir longtemps, et lorsque, enfin, ils quittent Awadh toute la gloire et la victoire reviendra au jeune roi. Etourdie par ces arguments auxquels elle ne sait rien opposer, la pauvre Khas Mahal finit par céder.


               Kenizé Mourad, Dans la ville d’or et d’argent (p 229,230,231)



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire