Trois ans passèrent. Daphné recommença à travailler au Collins
Magazine lorsque Aimée eut un an.
Malgré ses remords, chaque fois qu’elle quittait sa fille, elle savait qu’il
lui était nécessaire de travailler pour se sentir vraiment elle-même. Jeff
avait compris lui aussi qu’être mère et épouse ne lui suffisait pas. Heureusement
Daphné avait trouvé une gardienne pour s’occuper d’Aimée. Daphné et Jeff
formaient un couple si parfait que tout le monde les enviait. Un jour qu’ils
passaient un week-end dans le Connecticut, un ami de Jeff leur demanda s’il ne
leur arrivait jamais de se quereller.
-
Bien sûr ! Au moins
deux fois par semaine. Je la bouscule, elle me traite de tous les noms, alors
les voisins appellent la police et pour finir, quand tout le monde est parti,
on regarde la télévision.
Daphné se mit à rire ; et lui envoya un baiser. Il était toujours
le même, spirituel, aimant, tel enfin qu’elle l’avait rêvé avant même de le
reconnaitre.
Leur ami se plaignait :
-
Vous me rendez malade tous
les deux. Comment un couple marié peut-il heureux ? Vous n’en avez aucune
idée ?
-
Pas la moindre !
Leurs amis les appelaient « Le Couple Parfait » et,
quelquefois, Daphné avait peur qu’un événement ne vienne briser leur union.
Mais cinq ans avaient passé durant lesquels ils s’étaient encore rapprochés.
Ils avaient les mêmes goûts et hormis la passion que Jeffrey nourrissait pour
les sanglants matchs de football américain qui se disputaient à Central Park,
le samedi après-midi, Daphné n’avait à se plaindre de rien. Ils avaient su
trouver le mode de vie qui leur convenait et entendaient bien le préserver. Ils
avaient quelquefois des problèmes d’argent mais ne s’en effrayaient pas. A
trente deux ans, Jeffrey gagnait très convenablement sa vie et le salaire de
Daphné servait à payer les extras.
Lorsque Aimée eut trois ans et demi, ils décidèrent d’avoir un autre
enfant. Mais l’heureuse nouvelle se faisait attendre. Le matin de Noël, Jeffrey
proposa à Daphné d’essayer à nouveau.
-
Après l’autre nuit ?
Je ne pense pas que j’en aurai la force !
Daphné faisait allusion à la nuit précédente. Après avoir installé les
cadeaux d’Aimée autour de l’arbre de Noël, ils avaient fait l’amour jusqu’à 3
heures du matin. Jamais leur intimité n’avait été si grande. Daphné avait
vint-quatre maintenant ; elle devenait de plus en plus belle et de plus en
plus féminine.
Elle se mit à rire. Au même moment, Aimée surgit dans la chambre, les
bras chargés de jouets. Jeffrey s’enroula dans une serviette tandis que Daphné
enfilait la robe que lui avait apportée la Père Noël.
-
Désolée, mon chéri !
Il maugréa en riant puis alla prendre une
douche. La journée fut paisible. Ils firent un excellent dîner et, après avoir
couché Aimée, ils s’assirent au salon devant la cheminée, lisant et buvant du
chocolat chaud.
Daphné s’étira sur le divan et posa la tête sur la poitrine de Jeff.
-
Tu connais le nom d’une chaîne
de montagne au Pérou ?
-
Non. Qu’est- ce que c’est ?
Il n’avait aucun talent pour les mots croisés auxquels elle s’attaquait
tous les dimanches, même les jours de fête.
-
Mais comment fais-tu pour y
arriver, Daff ? […] Et puis ne me demande pas comment s’appelait la sœur de
Beethoven ou tu vas recevoir mon chocolat dans la figure !
-
Ça y est ! – Elle se
redressa. – Violence ! C’est le mot qui me manquait au 36 vertical !
-
Elle me rendra fou !
Allez, viens !
Il s’était levé et lui tendait la main.
-
Allons nous coucher.
-
Attendons que le feu soit éteint.
Ils venaient d’acheter un petit duplex, l’été précédent, et leur chambre
comme celle d’Aimée se trouvait au premier étage. Daphné s’inquiétait un peu à
cause de l’arbre de Noel qui était si près de la cheminée.
-
Ne t’en fais pas. Il n’y a
rien à craindre.
-
Je préfère attendre.
-
Allons, viens. Je te désire
tellement que je vois trouble. Je suis sûr que tu as versé un aphrodisiaque
dans mon chocolat.
Elle sourit et se leva.
-
Vous avez toujours été un
obsédé sexuel, Jeffrey Fields ! Vous n’avez pas besoin d’un aphrodisiaque !
C’est un calmant qu’il vous faudrait !
Il éclata de rire et la poursuivit dans les escaliers. Il l’attira
doucement sur le lit et se mit à la caresser. Une fois de plus, Daphné se
demanda si elle allait enfin tomber enceinte.
-
Pourquoi est-ce si long ?
Jeffrey se contenta de hocher la tête et de sourire.
-
Peut-être… peut-être qu’il te faudrait changer… de modèle.
Le visage de Daphné s’assombrit.
-
Tu es unique, Jeff. Et puis
si nous n’avons pas d’autre enfant, ce n’est pas grave. Sais-tu au moins
combien je t’aime ?
Il avança vers elle et l’attira à lui.
-
Non. Dis-le moi.
-
Beaucoup plus que tu
pourras jamais l’imaginer, mon amour.
Il l’embrassa avec passion. Ils firent l’amour sur leur grand lit de
cuivre. Les ressorts grinçaient, ce qui les faisaient rire chaque fois.
-
Je vais voir si Aimée dort.
Elle allait toujours rendre visite à Aimée avant de coucher, mais, ce
soir, elle se sentait alanguie, paresseuse, dans les bras de Jeff. Un instant
Un instant, elle se demanda si elle pouvait encore donner la vie. Leur étreinte
avait été si passionnée qu’elle semblait devoir aboutir à la naissance de cet
autre enfant qu’ils désiraient si ardemment.
-
Elle va bien, Daff.
Ils se moquaient toujours de la solennité avec laquelle elle observait
Aimée, chaque soir. Lorsqu’elle ne l’entendait pas respirer, elle posait son
doigt juste au-dessus du nez de la petite fille, pour sentir son souffle.
-
N’y vas pas. Elle dort
bien.
Daphné sourit faiblement et s’endormit presque aussitôt dans les bras de
Jeff. Elle reposait depuis plusieurs heures lorsqu’un rêve la fit s’agiter. Jeffrey, Aimée et elle se
trouvaient tout près d’une cascade. Le vacarme de l’eau était proche mais
Daphné sentait aussi une odeur particulière qui gagnait la forêt qui les
encerclait. Elle se blottit contre Jeff et ouvrit les yeux pour chasser son
rêve. Elle se mit à tousser et regarda autour d’elle. Le vacarme qu’elle
entendait était celui de l’incendie qui s’était déclaré dans l’appartement. Les
flammes léchaient la porte de leur chambre.
-
Jeff ! Mon Dieu, Jeff !
Elle bondit hors du lit, abasourdie, étourdie. Elle secouait Jeff et
criait : Jeff ! Aimée !
Il s’éveilla et comprit en un clin d’œil ce qui se passait. Il se rua
dans la chambre et se dirigea vers la porte. Daphné se tenait derrière lui, les
yeux emplis de terreur. Jeffrey ne pouvait avancer.
-
Mon Dieu Jeff ! Notre
fille !
Elle pleurait à gros sanglots, désemparée. Mais Jeff se retourna et la
saisit aux épaules. Il devait crier pour couvrir le bruit des flammes- Arrête,
Daff ! Le feu est dans l’entrée. Nous somme tous sains et saufs. Je vais
aller chercher Aimée et tout ira bien. Tu vas t’enrouler dans une couverture et
descendre les escaliers aussi vite que tu le peux. Je vais chercher Aimée dans
son lit et je te retrouve en bas. Il n’ya rien à craindre. Tu as compris ?
Il l’avait enveloppée d’une couverture, tout en lui parlant. Ses gestes
étaient rapides et précis. Il la conduisit jusqu’à la porte et lui dit :
-
Je t’aime, Daff. Tout ira
bien.
Il se dirigea vers la chambre d’Aimée. Daphné fonça dans les escaliers,
essayant de rester calme. Elle savait que Jeff sauverait Aimée. Il avait
toujours pris soin d’elles… toujours…toujours… Elle se répétait ces mots tout
en descendant les escaliers. Elle essayait de regarder autour d’elle mais la
fumée était devenue si épaisse qu’elle ne pouvait presque plus respirer. Elle
ne voyait rien. Soudain elle entendit le bruit d’une explosion derrière elle […]
Jeff et Aimée avaient péri dans les flammes.
Danielle STEEL, Il était une fois l'amour
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire