Le soir de Noël, dans les rues de New York l’agitation est à son comble.
La neige qui tombe atténue à peine les coups de klaxon stridents des voitures,
le vacarme de la circulation et le brouhaha continuel des passants affairés,
les bras chargés de cadeaux, croisant sans cesse d’innombrables pères de Noël tenant compagnie, malgré le froid mortel, aux
enfants ébahis que leur mère entraîne en riant et aux chanteurs de rue, titubant
sur le trottoir. Tout le monde semble
emporté dans une sorte de tourmente heureuse, où se mêle la joie et l’exaltation.
Pour les enfants c’est le jour tant attendu depuis de si longs mois, pour les
adultes, la fin d’une période toute consacrée aux achats, aux cadeaux, aux
réceptions. Epoque unique faite d’espoirs lumineux aussi pur que la neige qui
tombe, de sourires nostalgiques, de réminiscences d’enfances lointaines et d’amour
depuis longtemps oubliées.
Vers onze heures du soir, la circulation commença enfin à diminuer. De
rares passants marchaient dans la neige qui crissait sous leurs pas. […]
Un petit groupe de personne sortit en chantant et en riant d’une belle
demeure située au n 12 de la 69e Rue. Ils venaient de passer une merveilleuse soirée, abondamment arrosée
de vermouth et de champagne. En partant, tout le monde avait reçu de petits
cadeaux : bouteilles de parfums, écharpes, livres, boîtes de chocolat.
Le maître de maison était un ancien critique littéraire du New York
Times, sa femme une romancière renommée ; leurs amis formaient une
société intéressante, qui comprenaient aussi bien des écrivains en herbe que
des pianistes réputés, de très jolies femmes des intelligences supérieures,
tous réunis ce soir-là dans l’immense salon de leur demeure citadine où un maître d’hôtel et deux employées de
maison faisaient circuler les hors-d’œuvre et servaient des boissons. Comme chaque
année, la fête ne se terminerait que
vers trois ou quatre heures du matin. Les invités qui partirent juste avant
minuit étaient peu nombreux, et parmi eux, se trouvait une jeune femme blonde
et menue, vêtue d’un manteau de vison ; son visage, tandis qu’elle lançait
un dernier adieu à ses amis, émergeait à peine, dans le vent, de son col de
fourrure. Elle n’avait pas voulu partager un taxi avec eux, préférant rentrer à
pied. Elle s’était enfin décidée à rompre sa solitude et à passer cette nuit,
si pénible pour elle, entourée d’amis qu’elle n’avait pas vus depuis bien des
années. Tout le monde avait été étonné et heureux de la trouver là-bas.
- - Content de vous revoir,
Daphné. Vous travaillez à un livre ?
- - Je le commence à peine.
Les grands yeux bleus étaient doux et la fraîcheur de son visage la
rajeunissait.
- -Que voulez-vous dire ?
Que vous le finirez la semaine prochaine ?
-Tout le monde la savait prolifique, mais elle avait momentanément abandonné
l’écriture pour se consacrer au scénario et au tournage d’un film. Elle sourit
à nouveau plus gaiement cette fois. Elle avait l’habitude de leurs taquineries
qui dissimulaient toujours une pointe d’envie et surtout de curiosité. Daphné
Fields était en effet travailleuse, ambitieuse mais aussi très secrète ;
elle fréquentait certains cercles littéraires, mais gardait une attitude réservée,
qui augmentait son mystère. Seul son regard frappait par sa profondeur et son
acuité. Elle avait beaucoup changé depuis dix ans. A vingt-trois ans, elle
était sociable, drôle, excessive même… Maintenant, elle était plus calme, les
rires du passé illuminaient ses yeux par instants, leur écho enterré quelque
part dans son âme.
Danielle STEEl : Il était une fois l'amour
Danielle Steel est citée dans le Livre Guinness des records parce qu'elle est restée sur les listes des best-sellers pendant 390 semaines consécutives.
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