- - Daphné ?
Elle tournait rapidement le coin de Madison Avenue lorsqu’elle entendit
un bruit de pas, étouffés par la neige.
- - Oui, Jack ?
C’était Jack Hawkins, le rédacteur en chef de maison d’édition attirée,
Harbor et Jones, le visage rougis par le froid, ses yeux d’un bleu brillant
embués par le vent.
- - Je te reconduis ?
Elle secoua la tête et lui sourit. Il fut frappé à nouveau de la trouver
si menue, emmitouflée dans cet énorme manteau de vison, ses mains gantés tenant
fermement le col de fourrure.
- - Non, je te remercie. J’ai
vraiment envie de marcher. J’habite juste en bas de la rue.
- - Mais il est tard Daphné.
Comme toujours, quand il la voyait, il avait envie de la prendre dans
ses bras. Non qu’il l’eût jamais fait, mais cela lui aurait plu. Comme à
beaucoup d’autres hommes d’ailleurs. A trente ans, elle en paraissait encore
vingt-cinq et même quelquefois douze… tant son regard était celui d’une femme
blessée, éprouvée par la vie, et condamnée à une solitude qu’elle ne méritait
pas.
- - Il est minuit Daff…
Il hésitait avant de rejoindre les autres, qui s’éloignaient lentement.
- - C’est la nuit de Noel,
Jack. Il fait un froid de tous les diables…
Elle s’interrompit, eut un large sourire, et son regard se fit
malicieux.
- - Et je ne pense pas qu’on m’enlève
ce soir !
- - Non. Mais tu pourrais
glisser et tomber sur le verglas.
- - Ah ! Et me casser le
bras, peut-être ? Tu as peur que je ne puisse plus écrire, c’est ça ?
Ne t’en fais pas. Je n’ai pas d’autre contrat jusqu’en avril. […]
Elle lui fit un petit signe d’adieu et s’éloigna
rapidement. […]
En traversant rapidement Madison Avenue,
elle faillit glisser, perdit l’équilibre, mais se rattrapa à temps. Arrivée au
coin de la rue, elle tourna rapidement à gauche, sans prendre garde, avant de
traverser, à une grande familiale rouge, pleine à craquer, qui accélérait pour
passer au feu orange. La passagère placée derrière le chauffeur poussa un cri
aigu ; il y eut un bruit sourd, d’autres hurlements à l’intérieur du
véhicule puis le crissement étrange des pneus sur la glace. […] Le conducteur
se précipita vers Daphné. Il s’arrêta net, observant la femme étendue par
terre, semblable à une poupée de chiffon désarticulée, le visage enfoui dans la
neige.
- - Oh ! Mon Dieu !
Oh ! Mon Dieu !...
Pendant un instant, il resta là, immobile,
désespéré, puis se tourna vers la femme qui se tenait près de lui, le regard
tout à fait terrorisé et furieux, comme si quelqu’un était à blâmer, n’importe
qui excepté lui.
- - Bon Dieu ! Appelez les
flics.
Puis il s’agenouilla près de Daphné,
craignant de la toucher, de la remuer, encore plus effrayé, cependant à l’idée
qu’elle fût morte.
- - Est-ce qu’elle est… en vie ?
Un autre homme s’était accroupi dans la
neige, à côté du chauffeur.
- - Je ne sais pas.
Elle était immobile, muette, sans vie. Et
tout à coup L’homme qui l’avait renversée se mit à pleurer doucement.
- - Je l’ai tuée, Harry… Je l’ai
tuée…
Danielle STEEL : Il
était une fois l’amour
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