mardi 28 octobre 2014

Enfin, la lettre si longtemps attendue arriva...



   Sanine envoya une lettre à madame Gemma Slocum à New-York. Il lui dit qu’il lui écrivait de Francfort où il était venu à sa recherche ; qu’il comprenait parfaitement qu’il n’avait pas le droit d’espérer une réponse, car il ne méritait pas son pardon.[…] Il raconta sa vie solitaire, sans famille, sans joie, et la pria de ne pas se méprendre sur les motifs qui l’avaient déterminé à écrire cette lettre ; il ne voulait pas emporter dans la tombe la conscience qu’une faute, qu’il avait cruellement expiée, n’avait pas été pardonnée. 
« En m’envoyant ne fût-ce qu’un mot, ajoutait Sanine en terminant sa lettre, vous ferez une bonne action, digne de votre belle âme, et je vous en serai reconnaissant jusqu’à mon dernier soupir. Je suis actuellement à l’hôtel du Cygne Blanc, à Francfort, et j’attendrai ici votre réponse jusqu’au printemps. »  Il souligna ces derniers mots.
    Sanine expédia sa lettre et l’attente commença.
   Il passa six semaines à l’hôtel sans sortir de sa chambre et ne voyant personne. Ses amis de Russie ne pouvaient pas lui écrire n’ayant pas son adresse, et Sanine s’en félicitait ; il savait que lorsqu’il recevrait une lettre, il saurait de qui elle vient. […]
   Enfin, la lettre si longtemps attendue arriva, portant un timbre américain et venant de New-York ! La suscription de l’enveloppe était d’écriture anglaise.
    Sanine ne reconnut pas cette écriture et son cœur se serra. Il avait peur d’ouvrir cette lettre. Il regarda la signature : Gemma !
    Il fondit en larmes. [...]
   Ce nom écrit au bas de la page sans être accompagné du nom de famille était un gage de pardon.
   La lettre était simple et pleine de bonté. […]
   Il est impossible d’exprimer ce que Sanine ressentit en lisant cette lettre. Il n’y a pas de mots pour rendre des sentiments semblables. Ces sentiments sont plus profonds, plus forts, plus vagues que la parole. La musique seule pourrait les exprimer.

                        
                            Ivan Sergueivitch Tourgueniev: Eaux printanières

Vous commencerez à écrire un livre, pour combler le vide...


     Vous allez arriver dans quelques instants à cette gare transparente à laquelle il est si beau d’arriver à l’aube comme le permet ce train dans d’autres saisons.
   Il fera encore nuit noire et au travers des immenses vitres vous apercevez les lumières des réverbères et les étincelles bleues des trams.
  Vous ne descendez pas à l’Albergo Quirinale, mais vous irez jusqu'au bar où vous demanderez un caffè latte, lisant le journal que vous viendrez d’acheter tandis que la lumière apparaitra, augmentera, s’enrichira, s’échauffera peu à peu.
   Vous aurez votre valise à la main lorsque vous quitterez la gare à l’aurore (le ciel est parfaitement pur, la lune a disparu, il va faire une nouvelle journée d’automne), la ville paraissait dans toute sa rougeur profonde, et comme vous ne pourrez vous rendre ni via Monte delle Farina, ni à l’Albergo Quirinale, vous arrêterez un taxi et vous lui demanderez de vous menez à l’hôtel Croce di Malta, via Borgognone, près de la place d’Espagne.
  Vous n’irez point l’attendre à la sortie du palais Farnèse ; vous déjeunerez seul ; tout au long de ces quelques jours, vous prendrez tous vos repas seul.
   Evitant de passer dans un quartier, vous vous promènerez tout seul et le soir vous rentrez seul dans votre hôtel où vous vous endormirez seul.
   Alors dans cette chambre, seul, vous commencerez à écrire un livre, pour combler le vide de ces jours à Rome sans Cécile, dans l’interdiction de l’approcher.
   Puis lundi soir, à l’heure même que vous aviez prévue, pour le train même que vous aviez prévu, vous retournerez vers la gare,
    Sans l’avoir vue.

                                                                
                                           Michel Butor, La Modification  

jeudi 16 octobre 2014

Le sourire d'un enfant


                                                 Photo prise par Josselyne  Regnier 


Merveilleux est le sourire d’un enfant
Magique est le regard d’un innocent !
Beau visage angélique
Belle âme féerique !

               Majdouline

Tout art est un langage


                                                         Tableau de   René Teil

« Tout art est un langage. L’artiste, quel qu’il soit, par des sons, par des mots, par des moyens plastiques exprime ce qu’il ressent à la perception de certains aspects de la nature. La valeur de l’œuvre d’art réside dans la valeur du langage employé et celui-ci est fonction de l’émotion ressentie. Un morceau de musique, même descriptive, n’est pas la restitution exacte des sons perçus, de même un tableau ne peut être la copie exacte de la nature, et par nature, j’entends tout aussi bien un paysage, un assemblage d’objets ou un portrait d’êtres vivants. Peindre c’est donc essentiellement s’efforcer de traduire par des moyens plastiques, le sentiment d’un homme à l’égard de la vie. Le peintre, par sa toile, exprime ses réactions vis-à-vis de la nature, et son sens de la vie. Mû par l’inspiration, armé de ses pinceaux et de ses pâtes, il va se libérer, crier sa joie trop grande ou sa peine trop vive, communiquer à d’autres ce que douloureusement il ressent. Alors comme une véritable lutte entre ce sentiment, cette passion qui veut s’affirmer et la matière trop souvent rebelle. »          René Teil


                                                         Tableau de   René Teil

La décision



Je t'ai aimée, ma décision est précise
A qui dois- je présenter des excuses
En amour, aucun pouvoir ne s'élève en-dessus du mien
C'est à moi que reviennent, choix et décision
Ce sont mes sentiments à moi...
Ne t'en mêle pas S'il te plaît, entre la mer et le marin
Ne prends plus parti, parce que J'en suis obstiné, et je continuerai
Que craindre ?
Je suis les voiles et les océans
Et tu n'es que l'un de mes fleuves
Les femmes ! Je les ai faites bagues autour des doigts
Et planètes dans mon orbite
Tais-toi... et ne dis plus rien !
C'est encore avec  elles que je tiens mon dialogue
Car c’est moi qui ordonne les décrets de la passion !
Et c’est moi qui définis mon territoire, dessine mes cartes
Et choisis la couleur de mes mers …
C’est moi qui décide de qui peut accéder à mon paradis ou à mon enfer
En amour, je suis autoritaire et tyran !
Et à chaque passion, une saveur coloniale !
Résigne-toi à ma volonté  et, comme une enfant, accueille mes pluies !
Et si j’ai quelque chose à dire
C’est à l’Unique et au Tout Puissant que je m’adresserai…

                      Extrait traduit du poème القرار " du poète syrien Niazar Kabbani 




إني عشقتك .. واتخذت قراري
فلمن أقدم _ يا ترى _ أعذاري
لا سلطةً في الحب .. تعلو سلطتي
فالرأي رأيي .. والخيار خياري
هذي أحاسيسي .. فلا تتدخلي
أرجوك ، بين البحر والبحار ..
ظلي على أرض الحياد .. فإنني
سأزيد إصراراً على إصرار
ماذا أخاف ؟ أنا الشرائع كلها
وأنا المحيط .. وأنت من أنهاري
وأنا النساء ، جعلتهن خواتماً
بأصابعي .. وكواكباً بمداري
خليك صامتةً .. ولا تتكلمي
فأنا أدير مع النساء حواري
وأنا الذي أعطي مراسيم الهوى
للواقفات أمام باب مزاري
وأنا أرتب دولتي .. وخرائطي
وأنا الذي أختار لون بحاري
وأنا أقرر من سيدخل جنتي
وأنا أقرر من سيدخل ناري
أنا في الهوى متحكمٌ .. متسلطٌ
في كل عشق نكهة استعمار
فاستسلمي لإرادتي ومشيئتي
واستقبلي بطفولةٍ أمطاري..
إن كان عندي ما أقول .. فإنني
سأقوله للواحد القهار...
عيناك وحدهما هما شرعيتي
مراكبي ، وصديقتا أسفاري
إن كان لي وطنٌ .. فوجهك موطني
أو كان لي دارٌ .. فحبك داري
من ذا يحاسبني عليك .. وأنت لي
هبة السماء .. ونعمة الأقدار؟
من ذا يحاسبني على ما في دمي
من لؤلؤٍ .. وزمردٍ .. ومحار؟
أيناقشون الديك في ألوانه ؟
وشقائق النعمان في نوار؟
يا أنت .. يا سلطانتي ، ومليكتي
يا كوكبي البحري .. يا عشتاري
إني أحبك .. دون أي تحفظٍ
وأعيش فيك ولادتي .. ودماري
إني اقترفتك .. عامداً متعمداً
إن كنت عاراً .. يا لروعة عاري
ماذا أخاف ؟ ومن أخاف ؟ أنا الذي
نام الزمان على صدى أوتاري
وأنا مفاتيح القصيدة في يدي
من قبل بشارٍ .. ومن مهيار
وأنا جعلت الشعر خبزاً ساخناً
وجعلته ثمراً على الأشجار
سافرت في بحر النساء .. ولم أزل
_ من يومها _ مقطوعةً أخباري..
***
يا غابةً تمشي على أقدامها
وترشني يقرنفلٍ وبهار
شفتاك تشتعلان مثل فضيحةٍ
والناهدان بحالة استنفار
وعلاقتي بهما تظل حميمةً
كعلاقة الثوار بالثوار..
فتشرفي بهواي كل دقيقةٍ
وتباركي بجداولي وبذاري
أنا جيدٌ جداً .. إذا أحببتني
فتعلمي أن تفهمي أطواري..
من ذا يقاضيني ؟ وأنت قضيتي
ورفيق أحلامي ، وضوء نهاري
من ذا يهددني ؟ وأنت حضارتي
وثقافتي ، وكتابتي ، ومناري..
إني استقلت من القبائل كلها
وتركت خلفي خيمتي وغباري
هم يرفضون طفولتي .. ونبوءتي
وأنا رفضت مدائن الفخار..
كل القبائل لا تريد نساءها
أن يكتشفن الحب في أشعاري..
كل السلاطين الذين عرفتهم..
قطعوا يدي ، وصادروا أشعاري
لكنني قاتلتهم .. وقتلتهم
ومررت بالتاريخ كالإعصار ..
أسقطت بالكلمات ألف خليفة ..
وحفرت بالكلمات ألف جدار
أصغيرتي .. إن السفينة أبحرت
فتكومي كحمامةٍ بجواري
ما عاد ينفعك البكاء ولا الأسى
فلقد عشقتك .. واتخذت قراري..

 نزار قباني



mercredi 15 octobre 2014

La parole donnée



"L'amour est plus précieux que la vie; l'honneur plus que l'argent; mais plus précieux que tous deux, la parole donnée."

                   Edmund Spenser