jeudi 3 octobre 2013

Paris... et le souvenir... diffère d'une personne à l'autre ...



« C’était une belle soirée, et j’avais travaillé dur toute la journée et quitté l’appartement au-dessus de la scierie et traversé la cour encombrée de piles de bois, fermé la porte, traversé la rue et j’étais entré, par la porte de derrière, dans la boulangerie qui donne sur le boulevard Montparnasse et j’avais traversé la bonne odeur des fours à pain puis la boutique et j’étais sorti par l’autre issue. Les lumières étaient allumées dans la boulangerie et, dehors, c’était la fin du jour et je marchais dans le soir tombant, vers le carrefour, et m’arrêtai à la terrasse d’un restaurant appelé le Nègre de Toulouse où nos serviettes de table, à carreaux rouges et à blancs, étaient glissées dans des ronds de serviette en bois et suspendus dans un râtelier spécial en attendant que nous venions dîner. Je lus le menu polycopié à l’encre violette et vis que le plat du jour était du cassoulet. Le mot me fit venir l’eau à la bouche. […]
Je poursuivis mon chemin, léchant les vitrines, et heureux, dans cette soirée printanière, parmi les passants. Dans les trois principaux cafés, je remarquai des gens que je connaissais de vue et d’autres à qui j’avais déjà parlé. Mais il y avait toujours des gens qui me semblaient encore plus attrayants et que je ne connaissais pas et qui, sous les lampadaires soudain allumés, se pressaient vers le lieu où ils boiraient ensemble, dîneraient ensemble et feraient l’amour. » […] 
« Ce fut la fin de notre première période parisienne. Paris ne fut plus jamais le même. C’était pourtant toujours Paris, et s’il changeait vous changiez en même temps que lui. […] Il n’y a jamais de fin à Paris et le souvenir qu’en gardent tous ceux qui y ont vécu diffère d’une personne à l’autre. Nous y sommes toujours revenus, et peu importait qui nous étions, chaque fois, ou comment il avait changé, ou avec quelles difficultés – ou quelles commodités – nous pouvions nous y rendre. Paris valait toujours la peine, et vous receviez toujours quelque chose en retour de ce que vous lui donniez. »

                    ERNEST HEMINGWAY: PARIS EST UNE FÊTE


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