vendredi 26 juin 2015

Dans la ville d’or et d’argent ( extrait 1 du chapitre 19 )



    En cet après-midi du 7 juillet, les représentants des taluqdars et des rajahs, le haut commandement militaire ainsi que le gouvernement au grand militaire ainsi que le gouvernement au grand complet, sont réunis dans le palais de Chaulakhi, à proximité de Kaisarbagh, où la régente a choisi de s’installer avec son fils.
   On attend la nouvelle régente avec scepticisme et un certain agacement, le rajah Jai Lal ayant fait savoir que celle-ci tenait à participer à chacune des décisions concernant la lutte contre l’occupant et l’administration du pays. Mais il a jugé préférable de ne pas rapporter ses paroles exactes : «  Si ces honorables saheban s’imaginent que je serai une marionnette se contentant d’enregistrer leurs décisions, ils se trompent, lui avait-elle déclaré. Depuis longtemps j’observe la gestion du royaume, j’en ai constaté les nombreuses erreurs, et non du seul fait des Britanniques ! Nos propres conseiller font trop souvent passer leurs intérêts avant ceux du pays, je n’aurais aucune indulgence. »
   A 16 heures précises, la Rajmata est entrée, précédée de ses gardes turques dans leur uniforme vert foncé. Somptueusement vêtue d’une garara tissée d’or et rehaussée de perles, elle avance lentement, non plus enveloppée de ses voiles, comme au jour du couronnement où elle s’était montrée au peuple rassemblé, mais le visage découvert, une légère gaze dissimulant ses cheveux ramenés en torsade. Elle entend aussi signifier que ce n’est pas la femme qui préside ces séances de travail mais la régente,  chef du gouvernement, et que le purdah n’a  donc pas lieu d’être.
   Les hommes réunis ne s’y trompent pas qui, au début choqué mais surtout troublés par sa beauté, n’osent lever les yeux sur elle. Pourtant à ses questions précises sur tel ou tel point de l’ordre du jour, il faut bien qu’ils répondent, et peu à peu ils vont se ressaisir.


               Kenizé Mourad, Dans la ville d’or et d’argent  ( p 243, 244, 245 )

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