jeudi 27 juin 2013

Il était une fois l’amour (Chapitre III, extrait 4)


   Trois ans passèrent. Daphné recommença à travailler au Collins Magazine  lorsque Aimée eut un an. Malgré ses remords, chaque fois qu’elle quittait sa fille, elle savait qu’il lui était nécessaire de travailler pour se sentir vraiment elle-même. Jeff avait compris lui aussi qu’être mère et épouse ne lui suffisait pas. Heureusement Daphné avait trouvé une gardienne pour s’occuper d’Aimée. Daphné et Jeff formaient un couple si parfait que tout le monde les enviait. Un jour qu’ils passaient un week-end dans le Connecticut, un ami de Jeff leur demanda s’il ne leur arrivait jamais de se quereller.
-          Bien sûr ! Au moins deux fois par semaine. Je la bouscule, elle me traite de tous les noms, alors les voisins appellent la police et pour finir, quand tout le monde est parti, on regarde la télévision.
   Daphné se mit à rire ; et lui envoya un baiser. Il était toujours le même, spirituel, aimant, tel enfin qu’elle l’avait rêvé avant même de le reconnaitre.
   Leur ami se plaignait :
-          Vous me rendez malade tous les deux. Comment un couple marié peut-il heureux ? Vous n’en avez aucune idée ?
-          Pas la moindre !
   Leurs amis les appelaient «  Le Couple Parfait » et, quelquefois, Daphné avait peur qu’un événement ne vienne briser leur union. Mais cinq ans avaient passé durant lesquels ils s’étaient encore rapprochés. Ils avaient les mêmes goûts et hormis la passion que Jeffrey nourrissait pour les sanglants matchs de football américain qui se disputaient à Central Park, le samedi après-midi, Daphné n’avait à se plaindre de rien. Ils avaient su trouver le mode de vie qui leur convenait et entendaient bien le préserver. Ils avaient quelquefois des problèmes d’argent mais ne s’en effrayaient pas. A trente deux ans, Jeffrey gagnait très convenablement sa vie et le salaire de Daphné servait à payer les extras.
   Lorsque Aimée eut trois ans et demi, ils décidèrent d’avoir un autre enfant. Mais l’heureuse nouvelle se faisait attendre. Le matin de Noël, Jeffrey proposa à Daphné d’essayer à nouveau.
-          Après l’autre nuit ? Je ne pense pas que j’en aurai la force !
   Daphné faisait allusion à la nuit précédente. Après avoir installé les cadeaux d’Aimée autour de l’arbre de Noël, ils avaient fait l’amour jusqu’à 3 heures du matin. Jamais leur intimité n’avait été si grande. Daphné avait vint-quatre maintenant ; elle devenait de plus en plus belle et de plus en plus féminine.
   Elle se mit à rire. Au même moment, Aimée surgit dans la chambre, les bras chargés de jouets. Jeffrey s’enroula dans une serviette tandis que Daphné enfilait la robe que lui avait apportée la Père Noël.
-          Désolée, mon chéri !
 Il maugréa en riant puis alla prendre une douche. La journée fut paisible. Ils firent un excellent dîner et, après avoir couché Aimée, ils s’assirent au salon devant la cheminée, lisant et buvant du chocolat chaud.
   Daphné s’étira sur le divan et posa la tête sur la poitrine de Jeff.
-          Tu connais le nom d’une chaîne de montagne au Pérou ?
-          Non. Qu’est- ce que c’est ?
   Il n’avait aucun talent pour les mots croisés auxquels elle s’attaquait tous les dimanches, même les jours de fête.
-          Mais comment fais-tu pour y arriver, Daff ? […] Et puis ne me demande pas comment s’appelait la sœur de Beethoven ou tu vas recevoir mon chocolat dans la figure !
-          Ça y est ! – Elle se redressa. – Violence ! C’est le mot qui me manquait au 36 vertical !
-          Elle me rendra fou ! Allez, viens !
   Il s’était levé et lui tendait la main.
-          Allons nous coucher.
-          Attendons que le feu soit éteint.
   Ils venaient d’acheter un petit duplex, l’été précédent, et leur chambre comme celle d’Aimée se trouvait au premier étage. Daphné s’inquiétait un peu à cause de l’arbre de Noel qui était si près de la cheminée.
-          Ne t’en fais pas. Il n’y a rien à craindre.
-          Je préfère attendre.
-          Allons, viens. Je te désire tellement que je vois trouble. Je suis sûr que tu as versé un aphrodisiaque dans mon chocolat.
   Elle sourit et se leva.
-          Vous avez toujours été un obsédé sexuel, Jeffrey Fields ! Vous n’avez pas besoin d’un aphrodisiaque ! C’est un calmant qu’il vous faudrait !
   Il éclata de rire et la poursuivit dans les escaliers. Il l’attira doucement sur le lit et se mit à la caresser. Une fois de plus, Daphné se demanda si elle allait enfin tomber enceinte.
-          Pourquoi est-ce si long ?
   Jeffrey se contenta de hocher la tête et de sourire.
-          Peut-être… peut-être qu’il  te faudrait changer… de modèle.
   Le visage de Daphné s’assombrit.
-          Tu es unique, Jeff. Et puis si nous n’avons pas d’autre enfant, ce n’est pas grave. Sais-tu au moins combien je t’aime ?
   Il avança vers elle et l’attira à lui.
-          Non. Dis-le moi.
-          Beaucoup plus que tu pourras jamais l’imaginer, mon amour.
   Il l’embrassa avec passion. Ils firent l’amour sur leur grand lit de cuivre. Les ressorts grinçaient, ce qui les faisaient rire chaque fois.
-          Je vais voir si Aimée dort.
   Elle allait toujours rendre visite à Aimée avant de coucher, mais, ce soir, elle se sentait alanguie, paresseuse, dans les bras de Jeff. Un instant Un instant, elle se demanda si elle pouvait encore donner la vie. Leur étreinte avait été si passionnée qu’elle semblait devoir aboutir à la naissance de cet autre enfant qu’ils désiraient si ardemment.
-          Elle va bien, Daff.
   Ils se moquaient toujours de la solennité avec laquelle elle observait Aimée, chaque soir. Lorsqu’elle ne l’entendait pas respirer, elle posait son doigt juste au-dessus du nez de la petite fille, pour sentir son souffle.
-          N’y vas pas. Elle dort bien.
   Daphné sourit faiblement et s’endormit presque aussitôt dans les bras de Jeff. Elle reposait depuis plusieurs heures lorsqu’un rêve la fit s’agiter. Jeffrey, Aimée et elle se trouvaient tout près d’une cascade. Le vacarme de l’eau était proche mais Daphné sentait aussi une odeur particulière qui gagnait la forêt qui les encerclait. Elle se blottit contre Jeff et ouvrit les yeux pour chasser son rêve. Elle se mit à tousser et regarda autour d’elle. Le vacarme qu’elle entendait était celui de l’incendie qui s’était déclaré dans l’appartement. Les flammes léchaient la porte de leur chambre.
-          Jeff ! Mon Dieu, Jeff !
   Elle bondit hors du lit, abasourdie, étourdie. Elle secouait Jeff et criait : Jeff ! Aimée !
   Il s’éveilla et comprit en un clin d’œil ce qui se passait. Il se rua dans la chambre et se dirigea vers la porte. Daphné se tenait derrière lui, les yeux emplis de terreur. Jeffrey ne pouvait avancer.
-          Mon Dieu Jeff ! Notre fille !
   Elle pleurait à gros sanglots, désemparée. Mais Jeff se retourna et la saisit aux épaules. Il devait crier pour couvrir le bruit des flammes- Arrête, Daff ! Le feu est dans l’entrée. Nous somme tous sains et saufs. Je vais aller chercher Aimée et tout ira bien. Tu vas t’enrouler dans une couverture et descendre les escaliers aussi vite que tu le peux. Je vais chercher Aimée dans son lit et je te retrouve en bas. Il n’ya rien à craindre. Tu as compris ?
   Il l’avait enveloppée d’une couverture, tout en lui parlant. Ses gestes étaient rapides et précis. Il la conduisit jusqu’à la porte et lui dit :
-          Je t’aime, Daff. Tout ira bien.
   Il se dirigea vers la chambre d’Aimée. Daphné fonça dans les escaliers, essayant de rester calme. Elle savait que Jeff sauverait Aimée. Il avait toujours pris soin d’elles… toujours…toujours… Elle se répétait ces mots tout en descendant les escaliers. Elle essayait de regarder autour d’elle mais la fumée était devenue si épaisse qu’elle ne pouvait presque plus respirer. Elle ne voyait rien. Soudain elle entendit le bruit d’une explosion derrière elle […] Jeff et Aimée avaient péri dans les flammes.


              Danielle STEEL, Il était une fois l'amour





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