lundi 24 juin 2013

Il était une fois l’amour ( Chapitre premier, extrait 2 )


-                  -  Daphné ?
   Elle tournait rapidement le coin de Madison Avenue lorsqu’elle entendit un bruit de pas, étouffés par la neige.
-          - Oui, Jack ?
   C’était Jack Hawkins, le rédacteur en chef de maison d’édition attirée, Harbor et Jones, le visage rougis par le froid, ses yeux d’un bleu brillant embués par le vent.
-          - Je te reconduis ?
   Elle secoua la tête et lui sourit. Il fut frappé à nouveau de la trouver si menue, emmitouflée dans cet énorme manteau de vison, ses mains gantés tenant fermement le col de fourrure.
-         -  Non, je te remercie. J’ai vraiment envie de marcher. J’habite juste en bas de la rue.
-          - Mais il est tard Daphné.
   Comme toujours, quand il la voyait, il avait envie de la prendre dans ses bras. Non qu’il l’eût jamais fait, mais cela lui aurait plu. Comme à beaucoup d’autres hommes d’ailleurs. A trente ans, elle en paraissait encore vingt-cinq et même quelquefois douze… tant son regard était celui d’une femme blessée, éprouvée par la vie, et condamnée à une solitude qu’elle ne méritait pas.
-          - Il est minuit Daff…
   Il hésitait avant de rejoindre les autres, qui s’éloignaient lentement.
-         -  C’est la nuit de Noel, Jack. Il fait un froid de tous les diables…
   Elle s’interrompit, eut un large sourire, et son regard se fit malicieux.
-         -  Et je ne pense pas qu’on m’enlève ce soir !
-        -   Non. Mais tu pourrais glisser et tomber sur le verglas.
-        -   Ah ! Et me casser le bras, peut-être ? Tu as peur que je ne puisse plus écrire, c’est ça ? Ne t’en fais pas. Je n’ai pas d’autre contrat jusqu’en avril. […]
   Elle lui fit un petit signe d’adieu et s’éloigna rapidement. […]
  En traversant rapidement Madison Avenue, elle faillit glisser, perdit l’équilibre, mais se rattrapa à temps. Arrivée au coin de la rue, elle tourna rapidement à gauche, sans prendre garde, avant de traverser, à une grande familiale rouge, pleine à craquer, qui accélérait pour passer au feu orange. La passagère placée derrière le chauffeur poussa un cri aigu ; il y eut un bruit sourd, d’autres hurlements à l’intérieur du véhicule puis le crissement étrange des pneus sur la glace. […] Le conducteur se précipita vers Daphné. Il s’arrêta net, observant la femme étendue par terre, semblable à une poupée de chiffon désarticulée, le visage enfoui dans la neige.
-        - Oh ! Mon Dieu ! Oh ! Mon Dieu !...
   Pendant un instant, il resta là, immobile, désespéré, puis se tourna vers la femme qui se tenait près de lui, le regard tout à fait terrorisé et furieux, comme si quelqu’un était à blâmer, n’importe qui excepté lui.
-         -  Bon Dieu ! Appelez les flics.
   Puis il s’agenouilla près de Daphné, craignant de la toucher, de la remuer, encore plus effrayé, cependant à l’idée qu’elle fût morte.
-        -   Est-ce qu’elle est… en vie ?
   Un autre homme s’était accroupi dans la neige, à côté du chauffeur.
-          - Je ne sais pas.
   Elle était immobile, muette, sans vie. Et tout à coup L’homme qui l’avait renversée se mit à pleurer doucement.
-          - Je l’ai tuée, Harry… Je l’ai tuée…

                     
                        Danielle STEEL : Il était une fois l’amour

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